D. Simonnet : Voici donc l'autre enfant terrible des couleurs, le noir, qui comme le blanc, fait bande à part dans notre histoire. Vrai couleur ? Pas vraiment une couleur ? En tous cas, il a une réputation plutôt sombre
M. Pastoureau : Pas plus que les autres couleurs ! Spontanément, nous pensons à ses aspects négatifs : les peurs enfantines, les ténèbres, et donc la mort, le deuil. Cette dimension est omniprésente dans la Bible : le noir est irrémédiablement lié aux épreuves, aux défunts, au péché et, dans la symbolique des couleurs propre aux quatre éléments, il est associé à la terre, c'est-à-dire aussi à l'enfer, au monde souterrain... Mais il y a également un noir plus respectable, celui de la tempérance, de l'humilité, de l'austérité, celui qui fut porté par les moines et imposé par la Réforme. Il s'est transformé en noir de l'autorité, celui des juges, des arbitres, des voitures des chefs d'État (mais cela est en train de changer), etc. Et nous connaissons aujourd'hui un autre noir, celui du chic et de l'élégance.
Michel Pastoureau, Dominique Simonnet, Le petit livre des couleurs - 2004/2005